L’évaluation de la qualité de l’eau dans les lacs et les cours d’eau autour de Mandena dans la région d’Anosy, à l’aide des données sur l’eau de QMM et des échantillons d’eau collectés indépendamment et analysés par l’expert en hydrologie d’Andrew Lees Trust, le Dr Steven Emerman, a confirmé la contamination des eaux de surface avoisinant le site d’exploitation de la société Rio Tinto QIT Madagascar Mining (QMM), dans la région de Fort-Dauphin. Malgré cela, aucune mesure corrective d’envergure ne semble avoir été prise par la société pour remédier aux effets néfastes de cette contamination. Devant cet état de fait, la coalition malgache du mouvement “Publiez Ce que Vous Payez” (PCQVP), Publish What You Pay UK (PWYP UK), Friends of the Earth UK, et The Andrew Lees Trust (ALT UK) ont lancé une campagne de plaidoyer visant à alerter l’opinion publique quant à l’existence d’une brèche causée par les opérations de QMM dans la zone de protection environnementale à Mandena, et sur ses retombées négatives sur les communautés locales. Pour étayer les travaux de recherche déjà publiés et pour donner une tribune aux citoyens concernés par ce problème environnemental, PCQVP Madagascar a décidé de sonder les perceptions des habitants de Mandena quant à la qualité de l’eau qu’ils utilisent.
Cette étude vise à connaître les perceptions des communautés installées aux alentours de la mine sur l’évolution de la qualité de l’eau ; à cerner leurs préoccupations, craintes et appréhensions par rapport à l’eau ; et à identifier les actions qu’elles souhaitent entreprendre ou qu’elles sollicitent des autres acteurs pour réparer les dommages causés par l’altération de la qualité de l’eau.
Cette recherche inductive a été conduite sous forme d’enquête impliquant 121 habitants des environs du site d’exploitation de QMM et de trois focus groups ayant réuni 67 personnes au niveau des communes d’Andrakaraka, Ampasy Nahampoana et Mandromondromotra dans la ville de Fort-Dauphin. Comme l’étude a été déployée sur la seule journée du 27 septembre 2020, l’échantillonnage a été fait par commodité ou selon la convenance et le mode de sélection selon les opportunités. Les données quantitatives ont été collectées via l’application ODK et à l’aide de Kobo. Afin de réduire les biais de prévarication et de désirabilité sociale, une triangulation des sources et des méthodes a été mise en œuvre. Outre ce recoupement, les analyses ont été déclinées par source afin de permettre une identification des facteurs déterminant les perceptions respectives.
Les eaux de surface représentent la source d’eau la plus utilisée pour la cuisine, l’hygiène et surtout pour la lessive. Leurs utilisateurs sont les moins satisfaits quant à la qualité de l’eau selon l’enquête et les focus groups. Parmi eux, 52% estiment que les eaux en provenance de ces rivières, des ruisseaux et des lacs sont de mauvaise qualité, en se basant principalement sur leur couleur, leur goût et leur odeur. Les participants aux discussions de groupe ont aussi évalué cette qualité de l’eau au regard des conséquences de son utilisation sur leur santé. 89% des 94% parmi ceux qui qualifient l’eau comme étant de qualité médiocre relatent avoir souffert de maux de ventre, de diarrhées, de montées de température inexpliquées et/ou d’allergies, etc. Pour 55% des enquêtés, la dégradation de la qualité de l’eau serait causée par la pollution résultant de l’exploitation minière et pour 16%, celle-ci résulterait de la détérioration des canalisations. Même si les préoccupations de la population locale diffèrent selon le type de source d’eau utilisée, la pollution de l’eau reste une préoccupation centrale pour la majorité (±40%). Cette crainte est encore plus marquée auprès des utilisateurs d’eaux de surface. 57% de ceux dont la principale inquiétude concerne cette pollution de l’eau et les participants au focus groups auraient entrepris des actions pour y pallier. Une partie d’entre eux aurait même contacté la société Rio Tinto QMM entre 2017 et 2020 pour lui adresser leurs doléances. Celles-ci seraient restées sans réponse et les habitants de Mandena auraient désormais peur de s’exprimer sur la question, par peur de représailles identiques à celles ayant frappé les opposants au projet Base Toliara en mai 2019, selon les révélations recueillies lors des focus groups.
La majorité des revendications (57%) des personnes enquêtées porte sur l’amélioration de la qualité et de l’accès à l’eau potable. Des revendications secondées par les participants aux focus groups. 16% des personnes entendues, principalement celles ayant eu des problèmes de santé liés à l’eau, réclament la restauration de la qualité de celle-ci. Par ailleurs, une partie non négligeable demande également des compensations pour pallier aux dégâts causés par la mise en place du seuil déversoir de la mine. Pour les participants aux focus groups, le financement de ces actions réparatrices revient à la société Rio Tinto QMM.
Cette recherche a montré l’importance qu’ont les eaux de surface pour la population des environs du site d’exploitation de QMM. Les résultats ont révélé que les enquêtés et les participants aux focus groups étaient bien conscients de la dégradation de la qualité de l’eau. Ils ont aussi identifié l’exploitation minière et la détérioration des canaux libérant des résidus « dangereux » comme étant les principales sources de pollution. Ces répondants ont reporté des problèmes de santé et des impacts directs sur leurs activités génératrices de revenus liées à la pêche et demande réparation pour les préjudices subis. Devant la peur d’éventuelles représailles exprimée par certains villageois, cette étude anonymisée constitue un moyen de leur redonner la parole librement afin d’exprimer leurs préoccupations liées à l’eau. La coalition PCQVP Madagascar envisage de les appuyer à travers des actions de plaidoyer visant à améliorer leur accès à une eau de qualité, et éventuellement à les accompagner dans leur demande de réparation des dommages engendrés par la pollution de cette eau qu’ils utilisent au quotidien.